samedi 9 mai 2015

OutKast - Aquemini (1998) (Atlanta, GA.)

Ce qui est incroyable avec OutKast c'est leur extrême régularité. Ils sont à l'heure du 3ème et fatidique album ; celui où certains tournent en rond, ne sachant trop que faire pour aller au-delà. Mais Andre 3000 et Big Boi sont des artistes avant d'être des rappeurs. Depuis leur 1er opus Southernplayalisticadillacmuzik au deuxième ATLiens, ils n'ont eu de cesse que d'innover, modifier, recréer, changer et ajouter encore plus de couleurs à leur palette déjà bien garnie.
Dans leur genre, je suis tenté de dire qu'ils sont uniques. Aucun groupe ni artiste ne peut leur être comparé. Mais surtout aucun ne leur arrive à la cheville. Imaginez donc l'amalgame entre du rap, de la soul, du jazz, de la funk, des guitares électriques, de l'harmonica (ah ce "Rosa Parks" c'est quand même quelque chose mes amis !), de l'expérimentation en veux-tu en-voilà.
OutKast c'est tout ça à la fois. Quand je les écoute, j'ai l'impression que leur musique est un éventail de ce que l'on pourrait trouver dans toutes les musiques quelque soit l'époque. Vous me suivez ? A la fois accessible et terriblement complexe. Accessible dans la fraîcheur dégagée dans les paroles et les mélodies. Complexe dans les imbrications au sein-même des morceaux. Déjà avec ATLiens (1996), je m'étais fait le même constat et de rajouter "mais où foutre dieu vont-ils chercher tout ça, toutes ces sonorités, cette façon de rendre tout fluide ?" Ils savent si bien amener un sujet avec élégance que ça en deviendrait presque agaçant tellement c'est génial. "Return of the G" est probablement le moment le plus "hardcore" de l'album et pourtant ça passe comme une lettre à la poste (ces background vocals si soulish, ce tempo laidback, cette mélodie avec cuivres,...)
 « Hush that fuss, everybody move to the back of the bus. »
Pour faire court, Aquemini je l'ai vu et ressenti (après plusieurs écoutes) comme un putain de moment de joie, 75 minutes qui me foutent la pêche ("Rosa Parks", "Slump", "Da Art of Storytellin' (Part 2)"), qui me ferait presque croire en dieu (peut-être un jour de beuverie, qui sait), mais qui aussi repose ("Aquemini", "West Savannah", "SpottieOttieDopaliscious"). Sacrée expérience que je recommande à la terre entière, jeunes, moins jeunes, vieux, grabataires. Anybody.

Alors voilà, troisième album et OutKast se positionne comme l'un de mes groupes préférés toutes catégories.
Allez zou, encore une mandale musicale.

1 Hold On, Be Strong 1:11
2 Return of the "G" 4:49
3 Rosa Parks 5:24
4 Skew It on the Bar-B 3:15
5 Aquemini 5:19
6 Synthesizer 5:11
7 Slump 5:09
8 West Savannah 4:03
9 Da Art of Storytellin' (Part 1) 3:43
10 Da Art of Storytellin' (Part 2) 2:48
11 Mamacita 5:52
12 SpottieOttieDopaliscious 7:07
13 Y'All Scared 4:50
14 Nathaniel 1:10
15 Liberation 8:46
16 Chonkyfire 6:10

Label: LaFace / 73008-26053-2  


Kendrick Lamar - To Pimp a Butterfly (2015) (Compton, CA.)

Is a butterfly cost a dollar?

Très rare que je fasse ça mais j'ai écouté ce troisième opus de Kendrick Lamar avant ses deux premiers (bien que j'y ai déjà jeté plusieurs oreilles, et ils semblent très bons). Bref, To Pimp a Butterfly.

Une vague, que dis-je, un tsunami de hype s'est emparé de la toile quelques jours avant sa sortie et, exceptés les troglodytes, personne n'a pu ne pas en entendre parler. Certes, KL n'est pas un rappeur comme les autres, et hormis des associations plus que douteuses hors de ses albums, est un artiste vraiment particulier. Il fait partie de cette actuelle frange (rarissime) de rappeurs qui justifie vraiment sa notoriété.
Quand j'ai vu la sortie de To Pimp... je me suis dit que j'allais laisser durer le plaisir quelques jours avant de me jeter à corps perdu sur les 16 morceaux. Et là, LE GROS CHOC FRONTAL. D'autant plus énorme qu'il vient juste après avoir écouté ATLiens, autant dire une bombe déjà en soi. Alors le poids de celui-ci a encore plus de significations après m'être passé cette comète des deux Géorgiens. Alors pour la faire courte, c'est exactement le type de musique que j'adore ; à savoir rap, funk, soul et jazz. Les fondements de la musique noire en somme. Et le plus dingue dans l'histoire c'est que les styles ne se suivent pas d'une piste à l'autre mais s’enchevêtrent au sein-même des morceaux. You feel me? Un maelström de sonorités ardentes, de choses complexes auxquelles viennent se rajouter des textes finement choisis et ciselés. Du travail d'orfèvre. La production, j'en parle même pas, elle est juste métaphysique. L'entendement ne comprendrait même pas le procédé.
Pourtant 78 minutes c'est long, très long à l'accoutumée, d'autant plus qu'il n'y a aucun skit ni interlude à proprement parler (même si ici y en a deux mais qui constituent des chansons à part entière). Tout fait sens, rien à jeter, tout à consommer. Plutôt deux fois qu'une si vous souhaitez vraiment saisir le concept de cet album (les spoken words notamment). A l'instar d'une musique classique de haut vol, ce Pimp est un fragment de vie qui fera date, croyez-moi. Un moment si singulier que je ne vois, à l'heure actuelle, aucune production capable de rivaliser (bien que je pense à My Beautiful Dark Twisted Fantasy semblant lui aussi graviter sur une autre planète).
Le single "The Blacker the Berry" avait lancé les hostilités en février ; ce morceau aux couleurs si chamarrées qui n'était pas juste un single lâché comme ça pour faire genre, mais un VRAI avant-goût d'un VRAI album où les autres morceaux seraient du même acabit. Car oui, cette chanson est superbe, aucun doute. Mais qu'en est-il du titre introducteur "Wesley's Theory" où l'ombre de Parliament est présente avec ces forts accents g-funk ? Qu'en est-il de "King Kunta" où la funk s'invite sur la table du hip-hop ? un morceau lancinant avec guitares électriques tournoyantes en sus dans la seconde partie. Quid de "How Much a Dollar Cost" où l'on se sent une influence criante de D'Angelo ? ; de la soul virevoltant sur des touches jazzy, tirant sur la corde éthérée d'une musique lénifiante, là où la piste précédente "Hood Politics" joue dans un domaine où les esprits brumeux d'une rue mal éclairée vous font rencontrer les anges lumineux de chœurs africanistes.

To Pimp... est un condensé de tellement de styles, de genres, de fiches de lecture possibles, de chemins à emprunter, laissant libre-court à l'interprétation, laissant l'auditeur sur une œuvre qui le laisse coi. Comme ce saxophone sur "u", ces verres clinquants, cette voix souffrante, implorante, ce bar-lounge qu'on imagine derrière cette musique, ces personnes qui discutent dans une atmosphère feutrée où seul un homme, debout, déclame des choses que tout le monde semble ignorer. Il est seul dans ce microcosme, laissant transpirer son désespoir. Ils sont nombreux mais il est terriblement seul. Il est vous, il est nous, il est moi.
Opus dans lequel chacun peut se retrouver, où chacun peut trouver sa place. Doit trouver sa place.
Douceur d'une nuit d'été, brise du soir et le son d'un instrument qui vient murmurer à votre oreille que rien n'est jamais fini. Que tout est possible.
Que la musique vous surprendra toujours, surtout quand vous ne vous y attendez pas. Ou plus.

Que dire de plus ? j'ai été soufflé. 

1  Wesley's Theory 4:47
2 For Free? (Interlude) 2:10
3 King Kunta 3:54
4 Institutionalized 4:31
5 These Walls 5:00
6 u 4:28
7 Alright 3:39
8 For Sale? (Interlude) 4:51
9 Momma 4:43
10 Hood Politics 4:52
11 How Much a Dollar Cost 4:21
12 Complexion (A Zulu Love) 4:23
13 The Blacker the Berry 5:28
14 You Aint Gotta Lie (Momma Said) 4:01
15 i 5:36
16 Mortal Man 12:07

Label: Top Dawg Entertainment





Shurik'N - Où je vis (1998) (Marseille, FR.)

Planète Mars : Acte II

C'est quasiment un an après avoir participé et contribué au succès de l’École du Micro d'Argent avec ses potes de IAM que Shurik'N délivre son album solo.
J'ai toujours aimé ce type ; une voix posée et à la fois suffisamment rentre-dedans pour me faire triper, une intelligence dans l'écriture des textes, dans la rime, une production "IAMienne" enivrante façon extrême-orient à la sauce samouraï et katana (cf. la 1ère piste), un débit qui relaxe avec des paroles fortes. Shurik'N n'a pas son pareil dans le monde du hip-hop français. Bien que je voue une grande admiration pour son comparse Akhenaton mais également Oxmo Puccino, lui, allie ce que les deux autres n'ont pas - du moins à ce niveau - à savoir la capacité à déclamer du lourd avec cette sensation de plénitude. Difficile à expliquer, tellement facile à vivre et ressentir.
Étonnement, même très étonnement, Où je vis n'apparaît que très rarement dans les manuels et autres dictionnaires dédiés au meilleur du rap hexagonal. Peut-être est-ce dû au fait que IAM fut le parangon de toute une génération, une mesure-étalon du hip-hop conscient, intelligent, si bien que l'un de ses membres les plus discrets ait été évincé des listes des albums cruciaux dans le domaine. C'est regrettable et si je pousse un peu, choquant. Car, hormis "Y a pas le choix" qui s'avère être bien en-deçà du reste, la galette flotte à un très haut niveau. Vraiment très haut. Plus de la moitié des morceaux mériteraient qu'on s'y attarde sur des pages entières. Tout y est ficelé tel un gigot d'agneau chez le boucher. C'est de l’orfèvrerie musicale, un plaisir auditif dans un univers hip-hop français qui ne manque pas de bons, voire de très bons albums dans les années 90 et même au-delà.
Je n'ai aucun problème à positionner cette opus au Panthéon des meilleurs sorties nationales dans le rap. Aucun souci à dire que je le place sur le même plan que L’École du Micro d'Argent. Et sur bien des points je le préfère à son grand frère. Question de feeling.

Bon, les amis, j'ai envie de stopper cette petite critique qui risque de devenir une dithyrambe si je continue d'écrire. Je vous laisse aller écouter ou réécouter ce petit bijou millésimé 1998 ; en plus il paraît que c'est une grande année pour une manifestation sportive qui s'est passée quasiment au même moment. 

1 Samurai 3:54
2 Où je vis 3:33
3 L.E.F. 3:06
4 Mon clan 3:24
5 J'attends 3:20
6 Fugitif 3:27
7 Les miens 3:50
8 Rêves 4:43
9 Mémoire 3:51
10 Esprit anesthésié 4:00
11 Lettre 3:17
12 Oncle Shu 3:26
13 Sûr de rien 3:17
14 Y a pas le choix 3:42
15 Manifeste 4:38

Label: Delabel / 7243 8 45961 2 5