dimanche 17 mai 2015

Big L - Lifestylez ov da Poor & Dangerous (1995) (Manhattan, NY.)

Lamont Coleman, aka Big L, signe là son 1er album, qui sera également son dernier de son vivant puisque son 2è opus The Big Picture est sorti en juillet 2000, soit 1 an et demi après sa mort.
Lifestylez ov da Poor & Dangerous sort donc au printemps 95 sur le gros label Columbia (seul Nas si ma mémoire est bonne, avait été endorsé par ce label pour son 1er album 'Illmatic' en 1994).
Rare pour être signalé dans le monde du hip-hop que d'être signé par une major pour un premier jet. Ainsi, le niveau de l'album est à la hauteur de la taille-patron de la maison de disque ; à savoir une montagne.
12 morceaux et un peu moins de 50 minutes plus tard, vous voici face à un espèce de croisement entre pièce-maîtresse du rap et mysticisme à travers la disparition du monsieur. A l'instar de Notorious BIG, ou encore 2Pac (à peine 25 ans), Big L est rentré dans la triste cour des rappeurs n'ayant pas franchi cette fameuse barre, mais aura laissé une empreinte indélébile dans le monde du hip-hop par le biais de cet unique opus (sans compter son apport avec le supergroupe D.I.T.C.)
Au final c'est un full-length à la fois sombre et boosté par le débit de Big L, peu ou pas de temps-morts pendant les 50 minutes, et pas de morceaux faibles. La sève de la rime coule pleinement le long des lèvres du chanteur, nous distribuant par-là même des salves ininterrompues avec un flow boom-bapien propre à la scène east-coast.
Certes le contenu de la galette n'est pas à la fête, mais quand c'est fait avec talent et élégance, ça en devient de l'art.
Essentiel.

1 Put It On 3:38
2 MVP 3:39
3 No Endz, No Skinz 3:29
4 8 Iz Enuff 4:58
5 All Black 4:21
6 Danger Zone 3:37
7 Street Struck 4:09
8 Da Graveyard 5:23
9 Lifestylez ov da Poor & Dangerous 3:21
10 I Don't Understand It 4:20
11 Fed Up With the Bullshit 3:52
12 Let 'Em Have It "L" 3:57

Label: Columbia / CK 53795

Smarki Smark - Najebawszy EP (2005) (Pologne)

Il m'arrive parfois d'écouter des productions de hip-hop qui ne soient pas en anglais ou français. Mais de façon générale, celles-ci sont soient instrumentales, soient elles impliquent en grande partie des lyrics en anglais.
Mais ici, l'on a affaire à du polonais. Alors soit on a de la famille qui peut nous expliquer de quoi il s'agit, soit on gaule que dalle. C'est mon cas. Alors évidemment c'est chaud du slibard de rien piger, alors on s'en réfère aux beats et aux flow. Perso dans le rap, il faut que je comprenne de quoi il est question sinon je trouve que ça n'a pas vraiment de sens. Toutefois il existe des exceptions quand le type qui est au micro se voit accompagné d'un background sonore qui déchire sa maman. C'est ce qui se passe pour cet EP.
C'est pas nouveau, j'adore le le hip-hop quand il est servi à la sauce jazz, qui plus est dans une dynamique boom-bap façon east-coast.
Cherchez des albums "ésotériques" sur la toile c'est un peu mon dada. Le genre de production se trouvant sous les radars, que tu découvres et au final, tu te dis que c'est une bombe qui mérite d'être connue par le plus grand nombre.

Smarki Smark est de ceux-là. Un Polonais qui débite dans sa langue natale c'est osé. Bah oui, réfléchis mon pote. Tu viens d'un pays où le rap n'est pas la discipline n°1, tu commences ta carrière et tu te radines avec un EP dans une langue que personne ne capte. Alors oui c'est foutrement osé ne serait-ce que commercialement. Va vendre ton matos au reste de l'Europe et aux States après, et tu viendras m'en reparler.
Bien entendu je ne voulais pas m'arrêter à une seule écoute car la zik proposée est vraiment excellente. 30 minutes, 7 morceaux distillés sans encombre, aucune faute de goût, des beats bien sentis, un débit vocal fluide et léger. Tout pour vous faire passer une demi-heure agréablement. 

1 Kawałek O Rapie (Oko za oko, rym za ząb) > Morceau de rap (Œil pour œil, dent pour rime) 3:59
2 Kawałek O Pieniądzach (8333.333 Euro) > ...sur l'argent 3:36
3 Kawałek O Miłości (Amyawy) > ...sur l'amour 2:57
4 Kawałek O Niczym Konkretnym (Dźwięki stereo) > ...rien de concret 4:56
5 Kawałek O Ściemnianiu Panien (Po pierwsze) > ...sur les femmes (pour commencer) 5:20
6 Kawałek O Wspomnieniach (Sweet memorise) > ...de souvenirs 4:32
7 Kawałek O Życiu (Najebawszy theme) > ...sur la vie 4:17

MC Solaar - Prose combat (1994) (Paris, FR.)

Non content de contenir cinq hits que sont "Obsolète", "Nouveau Western", "À la claire fontaine", "La concubine de l'hémoglobine", "Séquelles" qui ont fait mouche à l'époque, Prose combat est avec L'École du micro d'argent de IAM, Où je vis de Shurik'N ainsi que Opéra Puccino d'Oxmo, l'album français référence des années 90 en matière de hip hop, en matière de textes intelligents, très bien écrits, un beat nickel, une prose en béton armé. Ça tombe bien puisque c'est le combat de cet album ; la prose.
MC Solaar est selon moi la quintessence du rap/hiphop français toute époque confondue. Il est celui qui manie le mieux les mots, les marie là où l'on n'aurait pas idée de les associer. Je l'écoutais quand j'étais ado, je l'écoute toujours avec autant de plaisir, décelant par-là même beaucoup mieux les subtilités de la langue et les jeux de mots qu'il nous balance à tout-va. Un poète de la rime intelligente disais-je donc. Pour sûr. Ce mec a la rime, et la voix qui se pose parfaitement sur ce qu'il raconte. Et même lorsqu'il s'associe à d'autres rappeurs ("L'NMIACCd'HTCK72KPDP" et "Relations humaines") ça reste bon et le flow n'est pas dénaturé. Toutefois Solaar seul se suffit à lui-même dans la qualité de l'interprétation et de la présence. Il pourrait chanter a cappella qu'on n'aurait rien à y redire. "Séquelles" par exemple, qui est selon moi un des titres-phares de l'album, pourrait très bien se chanter de cette manière car le texte s'y prête. De la même façon "La concubine de l'hémoglobine" pourrait l'être.
Ce deuxième essai de Claude M'Barali est une petite pépite de rap, une perle de rimes liées les unes aux autres, des morceaux qui sont autant de références littéraires, artistiques, historiques, des clins d’œil incessants aux belles lettres, aux métaphores, et parfois il divague et digresse sur des vagues relatives au sexe ou assimilé, mais jamais le bonhomme ne tombe dans les travers si souvent répétés de la sombre et pernicieuse vulgarité du genre. Il est digne et classe, et ça c'est pas courant pour être mentionné. J'ai toujours aimé le boulot du type et la personne. Humble, réservé, correct, poète, intelligent, cultivé. Enfin l'artiste dont tout le monde rêve. Un homme qui n'ouvre pas sa bouche à tort et à travers comme beaucoup dans ce milieu. C'est respectable et ça fait du bien.
Alors à la fin des 15 titres, on en sort ravi et la qualité d'ensemble est très bonne. Une production propre sans être lisse, pas de point faible ni de chichi.
MC Solaar signe là un opus majeur faisant date.

Prose combat est un album subtil...très subtil.


1 Aubade 0:35
2 Obsolète 3:04
3 Nouveau Western 4:34
4 A la claire fontaine 2:58
5 Superstarr 3:05
6 La concubine de l'hémoglobine 4:49
7 Dévotion 4:26
8 Temps mort 3:41
9 L'NMIACCd'HTCK72KPDP 5:04
10 Séquelles 3:37
11 Dieu ait son âme 4:46
12 A dix de mes disciples 3:45
13 La fin justifie les moyens 4:57
14 Relations humaines 3:28
15 Prose combat 3:06

Label: Polydor / 521 289-2

MC Solaar - Qui sème le vent récolte le tempo (1991) (Paris, FR.)

C'est à 22 ans que MC Solaar signe son 1er album ; un des tous premiers albums de rap français digne de ce nom. Loin du niveau de maturité de Prose combat qui viendra 3 ans plus tard, le bonhomme nous lègue ce qui se fait de mieux à cette époque dans l'hexagone, et pourtant il y a pas mal de failles dans ce premier essai. Mais également quelques satisfactions ("Victime de la mode", "Caroline" et "Armand est mort").
France, 1991, rap. Trois mots qui ne vont pas forcément de paire au début des nineties, là où seuls quelques groupes avaient sortis le bout de leur nez de façon probante (NTM, Assassin, IAM).
MC Solaar tente malgré tout d'imposer sa patte et son style. Encore très jeune mais avec la rime déjà en devenir, il nous propose des sujets à la fois léger ("Ragga Jam"), nostalgique ("Caroline") et pesants, voire difficiles ("Quartier nord", "La devise", "Armand est mort").
Lire cet album, c'est presque lire le chapitre d'un livre dans lequel des paragraphes seraient dédiés aux expériences passées du monsieur. Certes, le niveau musical ne gravite pas dans les hautes sphères du hip-hop, mais l'album a au moins le mérite de proposer une lecture fraîche et enjouée de ce que MC Solaar a à témoigner.
On lui fera donc grâce du manque de consistance que représente ce premier opus, manquant cruellement d'assise technique, il s'appuie néanmoins sur du vocabulaire recherché à la rime bien rincée; le flow saccadé symptomatique d'un rap naissant en France, aux accents funk et jazzy en sus.

Un album historiquement (en France) très important dans le paysage pré-pubère du hip hop. Et rien que pour la quasi primeur de sa sortie, on se doit de le saluer et lui donner une place de choix.

1 Intro 1:00
2 Qui sème le vent récolte le tempo 4:13
3 Matière grasse contre matière grise 3:24
4 Victime de la mode 3:10
5 L'histoire de l'art 3:25
6 Armand est mort 3:07
7 Quartier nord 3:08
8 Interlude 0:30
9 A temps partiel 3:47
10 Caroline 4:43
11 La musique adoucit les mœurs 5:02
12 Bouge de là (Part. 1) 3:10
13 Bouge de là (Part. 2) 3:04
14 Ragga Jam 5:06
15 La devise 3:39
16 Funky Dreamer 1:13

Label: Polydor / 511


Funky DL - Classic Was the Day (1997) (Hackney, UK)

Dans la catégorie "albums sous les radars qui déchirent", je demande Classic Was the Day.
Naphta Newman, aka Funky DL est un mec qui vient de l'est londonien et sort ici son premier opus à tout juste 19 ans. Après avoir trouvé l'info, j'ai été étonné par son âge dans la mesure où on sent déjà une maturité à l'écouté des 17 pistes. Le style est léger, fluide, smoothie et foutrement addictif. Le style ok, mais les lyrics également. Loin des considérations politiques, gangsta ou encore hardcore de certains rappeurs, Funky DL part à l'assaut d'un hip-hop fortement imprégné de jazz, ou de jazz imprégné de hip-hop. C'est intervertible dans ce cas présent, et ça donne encore plus de force à cet album. Pas figé pour un sou.
Comme il l'explique lui-même sur son site, il a grandi dans les sons de De La Soul, A Tribe Called Quest et Pete Rock & C.L. Smooth. En gros, que des pointures du jazz-rap du début des années 90. Et ça se sent, et pas qu'un peu. Dans nombre de morceaux, l'ombre des deux derniers est carrément là. On s'y croirait. Les mélodies sont fines bien souvent mariées à un piano typé lounge ("20-20-8-8", "On Ya Own", "Pink Panther", "It's About Time") qui donne cette sensation de bien-être. Et parfois c'est au saxophone de jouer les accompagnateurs ("Worldwide", "If I Had a Day to Live"). Ce à quoi l'on peut rajouter des guitares de-ci de-là en background, et des associations en featuring sur quelques morceaux. Les patchworks ne manquent donc pas tout au long des 67 minutes; lesquelles s'enchaînent sans aucun skit ni interlude, ça vaut la peine de le signaler.

Un bien beau long-métrage, surtout pour un premier essai à seulement 19 piges.
Découverte printanière très intéressante. 

1 32 Bar Summary 2:29
2 I've Lost My Microphone 4:10
3 Underground Hip-Hop 4:18
4 20-20-8-8 3:53
5 On Ya Own 4:23
6 Pink Panther 4:09
7 Confidential Information 4:01
8 Worldwide 4:55
9 Soul Silhouette 4:07
10 Classic Moves 4:40
11 Queen of Diamonds 3:48
12 Off Key 3:13
13 Make Decisions 4:16
14 Circles (Going Round) 3:41
15 Eye Remember 4:24
16 If I Had a Day to Live 4:24
17 It's About Time 4:49

Label: Utmost / UTMCD01