dimanche 10 mai 2015

La the Darkman - Heist of the Century (1998) (Bronx, NY.)

La pochette nous met directement sur la voie ; La the Darkman fait partie de la maison Wu-Tang. Le "Casse du siècle" n'est pas l'album du XXè certes, mais contient de très bons moments comme en témoignent le morceau introducteur Lucci aux accents justement clanique, le titre éponyme et 4 Souls aux forts relents raekwoniens de Only Built..., un Love qui porte bien son nom - doux et soulish - et I Want It All qui clôt parfaitement la galette. Ainsi de belles réussites qui viennent compenser la longueur (70 minutes) qui faut réussir à se gauler, car un seul interlude vient s'intercaler à la 6ème piste. C'est trop peu bien que sur nombre de chansons, des passages "skités" s'immiscent.
Hormis la pochette qui nous signifie l'influence et la présence du Clan, des membres (Ghostface Killah, Raekwon, Masta Killah et U-God) prêtent leur voix et présences dans quelques feats. Ce ne sont malheureusement pas les meilleurs moments de l'opus.

Au final c'est un album très long, trop long et pas facile à digérer. Mais perso je retiens le positif ; à savoir 4 ou 5 titres sortant d'un lot assez linéaire. 

1 Lucci 5:28
2 Shine 4:43
3 City Lights 4:01
4 What Thugs Do 4:48
5 Heist of the Century 3:23
6 Fifth Disciple 1:05
7 Now Y 2:39
8 Spring Water 3:24
9 4 Souls 5:26
10 Street Life 3:43
11 Love 5:08
12 Figaro Chain 2:24
13 Polluted Wisdom 5:16
14 Gun Rule 4:51
15 Element of Surprise 3:06
16 Az the World Turnz 3:45
17 Wu-Blood Kin 2:54
18 I Want It All 4:17

Label: Supreme Team Entertainment ‎– 30072

Ghostface Killah - Supreme Clientele (2000) (Staten Island, NY.)

Un peu plus de trois ans après sa première galette, Ghostface Killah revient là encore avec un album qui flirte avec la perfection. Ça en devient agaçant. 
Ghostface Killah, AKA le membre du Wu-Tang Clan qui a probablement le storytelling le plus vaste, le plus enivrant, le plus riche. Outre sa particularité à savoir raconter des histoires dans ses albums, il est aussi celui qui a la meilleure gestion du débit de ses mots tout en couplant la rapidité et la variété de son vocabulaire (son fameux "cryptic slang") . Au même niveau là, je ne vois que Nas qui puisse rivaliser. Son autre spécificité réside dans l'émotion qu'il arrive à transmettre dans ses rimes ("One", "Malcolm") tout en n'omettant pas d'avoir une attaque incisive de son phrasé. Là encore je ne vois pas quel autre rappeur réussit à combiner tout ça.
Ce deuxième opus du Ghost est encore meilleur que son 1er essai. Je ne l'aurais pas cru avant de l'écouter car j'étais resté sur une grosse impression de Ironman. Mais Supreme Clientele possède une homogénéité dans la qualité des compos que son précédent album a certes, mais à moindre mesure.
Le pressage canadien propose un tracklisting quasi identique à cela près que les skits et interludes sont inclus au sein des morceaux, ainsi qu'un switch entre "The Grain" et "In the Rain (Wise)". Sans doute une écoute plus fluide avec 14 pistes au lieu de 21 ici.

Un grand album de hip-hop. 

1 Iron's Theme - Intro
2 Nutmeg
3 One
4 Saturday Nite
5 Ghost Deini
6 Apollo Kids
7 The Grain
8 Buck 50
9 Mighty Healty
10 Woodrow the Basehead
11 Stay True
12 We Made It
13 Stroke of Death
14 Iron's Theme - Intermission
15 Malcolm
16 Who Would You Fuck
17 Child's Play
18 Cherchez La Ghost
19 Wu Banga 101
20 Clyde Smith (Skit)
21 Iron's Theme - Conclusion

Label: Epic / EK 69325

Brokin English Klik - Brokin English Klik (1993) (New York)

1993 est une grande année pour le hip-hop east coast, mais également pour les trouvailles underground. Bien que Brokin English Klik soit sorti sur Wild Pitch (un label réputé et connu dans le rap américain, fin 80s), cette production reste à ce jour assez confidentielle. Le duo Da Mad Scientist et Mack 10 (rien à voir avec le Mack 10 de la west coast) délivre un son somme toute assez générique pour l'époque, mais suffisamment agréable avec ses touches jazzy disséminées un peu partout, pour le faire passer agréablement dans mes baffles.
A noter que l'on retrouve "Who's da Gangsta" sur la compilation Hi-Phat Diet - A Wild Pitch Compilation aux côtés de Main Source, Gang Starr, Ultramagnetic MC's et autre Lord Finesse. Un morceau catchy, digne de figurer sur une telle compil, ou soundtrack. De quoi donner au groupe un peu de lumière après un album qui restera sans suite. 


1 Who's da Gangsta?
2 Kaos ta Bass
3 Hard Core Beats
4 Underground Dweller
5 Here Come da Hoods (Vibe Mix)
6 They Shoulda Killed Me
7 9 Reasons
8 Here Come da Hoods (Fat Horn Mix)
9 Youth Gone Mad
10 10 Years and Countin
11 Let Go My Ego
12 Ready, Aim, Shoot

Label: Wild Pitch Records / E2-89046


Sugarhill Gang - Sugarhill Gang (1980) (Englewood, NJ.)

L'histoire du rap commence en 1979. Les Sugarhill Gang incarnent ces débuts prometteurs quand les trois membres enregistrèrent ce qui restera comme la pierre angulaire d'un début de commencement: Rapper's Delight
Une version de près de 15 minutes (en single uniquement) qui marquera les esprits comme étant la plus longue jam de rap jamais gravée sur vinyle, avec un nombre incroyable de couplets (plus de 90 je crois). Un record. 35 ans après, cette perf n'a pas été égalée et ne le sera jamais. Pourquoi ? parce que les poseurs de pierre resteront pour toujours comme les premiers bâtisseurs.

La pochette représente au mieux ce qu'est le Sugarhill Gang ; des showmen, des enflammeurs de dancefloors à l'instar de Kurtis Knight avec ses Breaks. Les trois gonzes réussissent dans cet exercice en se passant le mic dans le morceau nommé plus haut, mais dans un album il y a d'autres pistes et c'est là que la vinaigrette tourne pas terrible. Une face A sinon insipide, du moins blafarde, mellow et molle du genou. Ça sent même la rupture des ligaments croisés tellement on s'emmerde à vrai dire. Et à ceux qui pensent que cette galette est du hip-hop se trompent lourdement car, hormis Rappers' Delight et quelques touches de Sugar Hill Groove, cet opus tend vers le disco et la funk. Pas plus.

Ce qui faut retenir de tout ça c'est avant tout le caractère historique de cette production. 1979 mes amis, vous vous rendez compte du délire ? En pleine vague disco (genre que je déteste dans sa globalité) et d'un autre côté le punk, un élan venu du Bronx allait bousculer la fourmilière au tournant des années 80. Une kyrielle de petits groupes - souvent éphémères - contribuèrent à forger ce qui deviendra peu de temps après le rap. Le Sugarhill Gang fut de ceux-là.

Je n'ai plus qu'une chose à dire :

"I said a hip hop,
Hippie to the hippie,
The hip, hip a hop, and you don't stop, a rock it
To the bang bang boogie, say, up jump the boogie,
To the rhythm of the boogie, the beat."

Et rien que pour ce morceau, merci à vous. 

A1 Here I Am 5:09
A2 Rapper's Reprise (Jam-Jam) 7:40
A3 Bad News 6:45
B1 Sugar Hill Groove 9:52
B2 Passion Play 5:10
B3 Rapper's Delight 4:55

Label: Sugar Hill / SH-245


Grandmaster Flash & The Furious Five - The Message (1982) (Bronx)

« It's like a jungle sometimes, it makes me wonder
How I keep from going under.
»
Récap :  
A ceux qui croient que Grandmaster Flash & The Furious Five c'est juste l'histoire d'un one-hit wonder, se trompent lourdement. The Message est bien entendu LE titre que toute la planète associe aux boys du Bronx mais quelques années auparavant, le crew s'appelait Younger Generation, et c'est sous ce nom qu'ils enregistrèrent un très bon morceau en 1979 ("We Rap More Mellow"). Dans la foulée il y eut "Freedom" et "The Adventures of Grandmaster Flash on the Wheels of Steel". Mais c'est surtout "Superappin" qui lança réellement les hostilités en 1979 pour le groupe. Certes un titre moins accrocheur et racoleur que The Message mais qui mérite, avec sa guitare funky, lui aussi toutes les éloges. Voilà comment j'aime GFFF; du hip-hop, de la funk et de la fraîcheur. 

CAR

l'album The Message n'est pas ce qu'on serait amené à croire avant de l'avoir écouté. Tout commence plutôt bien avec la face A qui alterne entre le rap, l'electro boogie et la funk. Mais les choses se gâtent dès que la face B s'enclenche. Les deux premières pistes ("Dreamin" et "You Are") sont des catastrophes mielleuses qui anéantissent à elles-seules la galette ; deux guimauves dignes de figurer dans un album de Whitney Houston. Et c'est là que le bas blesse car la légende Grandmaster Flash se voit mise à mal. Qu'est-ce qui a bien pu leur passer par la tête pour oser enregistrer ces deux choses venues d'ailleurs, alors que le morceau qui suit peut être considéré comme l'un des meilleurs de hip-hop de tous les temps ? Mystère.
C'est là le principal défaut de cet album; c'est qu'il ne se pose nulle part. Il y a bien du rap mais finalement peu, des moments electro et funk sur la face A, de la soul déprimante (sic!) sur la face B et des pincées de R&B. Et hormis cette comète qui clôt le vinyle, le reste n'est pas du tout à la hauteur de ce qu'ils ont pu faire précédemment. Personnellement je suis déçu du résultat car UN titre ne sauve pas un ensemble. On a affaire ici à un album, pas un single. L'homogénéité est ce qui fait défaut. On dirait que les types ont pris des chansons et se sont dit "tiens, si on mettait ce pot-pourri sur un même disque !?" bah la v'là l'idée de cons !

Putain, heureusement qu'y a The Message n'empêche...
Sans rancune les mecs. 

A1 She's Fresh 4:56
A2 It's Nasty 4:15
A3 Scorpio 5:10
A4 It's a Shame 4:58
B1 Dreamin 5:45
B2 You Are 4:49
B3 The Message 7:11

Label: Sugar Hill / SH 268





Pudgee - Dead Silence [EP] (1997) (Bronx, NY.)

Quatre ans auparavant le natif du Bronx avait déjà enregistré un album ("Give 'Em the Finger" - Giant / 9 24498-2) sous le pseudo Pudgee tha Phat Bastard. Ce sera son seul opus grand format. Ici c'est sous le nom raccourci de Pudgee qu'il sort cet EP 4-titres. Les deux productions sont très mal connues des hip-hop headers. Cependant, il est à noter que cet EP confidentiel (auto-prod) a été en partie produit par Nick Wiz ; ce dernier avait travaillé avec les Cella Dwellas et avait proposé trois volets de ses "Cellar Sounds" dans lesquels on retrouve une multitude d'artistes qu'il a produit.
Le son fluctue entre un boom bap des familles, des touches rhythm & blues ("Die for a Cause") ainsi que des moments jazzy, comme sur la piste finale "Kill You", qui est, au passage, le morceau qui surnage de l'ensemble. Un EP 4-titres que je recommande aux fans de hip-hop de la Côte Est des années 90.

A1 Angel Dust 4:34
A2 Stayin' Alive 3:40
B1 Die for a Cause 3:21
B2 Kill You 3:39

Label: n/a TS 0005


Asocial Club - Toute entrée est définitive (2014) (Paris, FR.)

Oui j'avoue, ce premier album de Asocial Club m'a impressionné. Du très bon rap français en 2014 faut creuser, et pas qu'un peu. D'ailleurs c'est le titre de la dernière chanson et probablement l'une des toutes meilleures sans aucun problème. La scène hexagonale se voit depuis quelques années appauvrie par le rap commercial avec des "artistes" qui vendraient leur cul pour passer dans une émission tévé. Je doute fortement que ce groupe parisien vende le leur. Vise un peu "99%" et ses lyrics au vitriole. Le quintet nous gratifie d'un opus à la production racée et foutrement variée d'un morceau à l'autre. Mais c'est surtout les paroles sombres qui retiennent mon attention ("Toute entrée est définitive", "Ce soir, je brûlerai...", "J'ai essayé"). Le groupe dépeint sa vie et ce, à la peinture très noire. La pochette est explicite et nous met sur la voie.
Loin des considérations fumeuses de rappeurs à la petite semaine, Asocial Club a a contrario quelque chose à dire. Les mots sont graves, les constats amers, la colère ardente et la haine palpable. Le projet est dense même si l'on a l'impression d'avoir déjà entendu ça des dizaines de fois. Ce qui fait mouche c'est la sincérité affichée pour dépeindre ce théâtre obscur et dystopique de la vie réelle. Maussades comme un automne pluvieux, misanthropes et en marge comme le nom du groupe, nerveux dans leurs plumes et leurs flows, les 5 rappeurs délivrent une performance aussi vive que cinglante envers les "wack MC's", les médias et les patrons.
Avec et dans ce disque, on rase les murs de rues mal éclairées. Pessimiste, cafardeux et plombé, cet album est singulièrement et terriblement noir.

"Je trouve le monde suffisamment laid, j'préfère ne pas avoir des yeux dans le dos." et "Je suis mauvais grimpeur, l'avenir est montagneux." - extraits de Creuser.

Grosse sensation.

1 Intro
2 La putain d'ta mère
3 99%
4 Ghetto Music
5 Anticlubbing
6 Mes doutes
7 J'ai essayé
8 L'hiver est long
9 Toute entrée est définitive
10 Ce soir, je brûlerai
11 Je hante ma ville
12 Creuser

Label: A Parté - AP002

Jeru the Damaja - The Sun Rises in the East (1994) (Brooklyn, NY.)

"Written on these pages is the ageless, wisdom of the sages.
Ignorance is contagious."
 

The Sun Rises in the East a la particularité d'être le premier album entièrement produit par DJ Premier hors des bases de Gang Starr. Qu'on se le dise, c'est un putain d'événement dans le hip-hop. Tout le monde rêve (que ce soit en cette année sainte 1994 ou maintenant) d'avoir ne serait-ce qu'un seul morceau dont Preemo serait le prod. Ici c'est TOUTE la galette qui l'est alors autant vous dire que ça envoie du gros bois.
Jeru the Damaja a fait sa première apparition vinylique avec Gang Starr sur le très bon Daily Operation ("I'm the Man") deux ans auparavant, ainsi que sur Hard to Earn ("Speak Ya Clout") quelques semaines avant le présent album. Flairant les qualités indéniables du jeune rappeur de Brooklyn, DJ Premier n'hésite pas à le prendre sous son aile. Je doute qu'il y ait mieux pour débuter une carrière que d'avoir le luxe et le privilège de s'octroyer les services d'un tel dabe.
The Sun Rises in the East est un opus assez spécial. Primo, l'atmosphère. Elle oscille constamment dans un entre-deux. La rudesse de la constatation de The Infamous, l'esprit frondeur et hardcore de Illmatic, les lyrics dignes de Ironman et le flow ravageur qui serait un savant mélange de The Low End Theory et Liquid Swords. Vous visez ce que je veux dire là ? On navigue dans un océan de diamants quand on associe tous ces albums magiques. Mais imaginez donc un LP 10-tracks (en excluant les skits) où toutes ces influences sont réunies. En fait ce qui fait la force majeure de cette release c'est qu'il n'y a - paradoxalement - aucun morceau catchy qui ne prévaut sur les autres. Certes "You Can't Stop the Prophet" et "My Mind Spray" sont deux tueries mais il n'empêche qu'ils n'étouffent absolument pas les 8 autres titres. C'est un ensemble hyper cohérent où le but n'étant pas de faire du gringue ni flatter les masses. Car oui, je trouve qu'il n'est pas super facile d'accès ce The Sun Rises... à la première écoute; dans ses beats mais surtout dans ses paroles.
Métaphysiques ("D. Original"), allégoriques ("You Can't Stop the Prophet"), introspectives ("Ain't the Devil Happy") avec une recherche de la connaissance de soi versus l'ignorance spirituelle, traitant même dans "Da Bitchez" des femmes fades et sans classes. Celles qui ne cherchent que la dorure, le vison, les diamants, les grosses bagnoles, etc.

Ainsi beaucoup de sujets sont passés au crible. On a ici affaire à une œuvre quasi philosophique d'un jeune homme de 22 piges dont le phrasé naturel va de paire avec une production racée. Cette association entre Jeru et Preemo fait date à plus d'un titre. 

1 Intro (Life) 0:50
2 D. Original 3:35
3 Brooklyn Took It 3:22
4 Perverted Monks in tha House (Skit) 1:13
5 Mental Stamina 2:21
6 Da Bitchez 3:52
7 You Can't Stop the Prophet 3:54
8 Perverted Monks in the House (Theme) 1:02
9 Ain't the Devil Happy 3:44
10 My Mind Spray 3:44
11 Come Clean 4:57
12 Jungle Music 3:50
13  Statik 3:07

Label: Payday / 697 124 011-2


N.W.A - Straight Outta Compton (1988) (Compton, CA.)

So when I'm in your neighborhood, you better duck
Coz Ice Cube is crazy as fuck
As I leave, believe I'm stompin
but when I come back, boy, I'm comin straight outta Compton
Après des débuts en dent de scie, voilà que NWA sort (enfin) un vrai album. J'entends sans des trublions de potos qui viennent lâcher quelques rimes pour faire genre. Ici on rentre dans le vif du sujet de la thug life. Un premier morceau éponyme qui nous met d'emblée en frontal avec l'esprit de Compton dont les gonzes sont quasiment tous issus. Dans Straight Outta Compton c'est l'heure de la révélation de tous les membres. Ice Cube comme le songwriter, Dr. Dre et Yella à la prod, Eazy-E dans l'attitude du gangsta man qui tient les rênes et MC Ren dans le débit des rimes incendiaires. Une équipe où chacun a presque un rôle bien défini.
On a affaire à une face A excellente délimitant un halo de lumière sur ce qui peut être considéré comme trois des plus gros morceaux de gangsta rap jamais écrits et sortis. Ce qui est certain c'est que NWA ne fait pas semblant. Au début de "Straight Outta Compton", l'auditeur est informé que "vous êtes sur le point d'être les témoins de la puissance de la culture de rue". Sous-entendu ses codes, sa violence, ses flics, ses meurtres, ses deals. S'en suit un "Fuck tha Police" qui ne laisse planer aucun doute sur l'amitié qui lie la bande à Eazy-E au département de police de Los Angeles. Mais c'est sur un ton à la fois dur et ironique que la chanson est basée : 

"Right about now NWA court is in full effect.
Judge Dre presiding in the case of NWA versus the police department.
Prosecuting attorneys are MC Ren, Ice Cube and Eazy muthafuckin E.
Order order order. Ice Cube take the muthafuckin stand.
Do you swear to tell the truth, the whole truth and nothin but the truth,
so help your black ass?
"

Ouais, NWA se fout de la gueule à la fois des flics et de la justice. Une pierre, deux coups. Et de rajouter plus loin:

"Make ya think I'ma kick your ass
But drop your gat, and Ren's gonna blast
I'm sneaky as fuck when it comes to crime
But I'ma smoke 'em now, and not next time
"
[...]
"Without a gun and a badge, what do ya got?
A sucka in a uniform waitin to get shot,
By me, or another nigga.
and with a gat it don't matter if he's smarter or bigger
"


Et sbim deux autres salves. Ils règlent leurs comptes dans une parodie de justice où les membres de NWA jouent chacun un rôle au tribunal. Les "fuck tha police" sont émis non pas de façon directe, mais comme un "qu'avez-vous dit à ce moment-là dans la rue quand les flics vous ont arrêté". Ainsi il est plus question d'un témoignage que d'un texte brut. Malin. 

Bref voilà un exemple à travers ce morceau. Une façon intelligente de contourner l'affrontement direct dans une chanson. Ce qui n'est pas le cas de "Gangsta Gangsta" où ils reviennent aux affaires courantes de la rue.

Toutefois le titre le plus marquant sur cette galette demeure "Express Yourself", ou "comment NWA n'en a rien à carrer qu'on les aime ou non". "Exprime-toi" avec tes mots et tout ce que t'as à dire sans vouloir brosser le chien dans le sens du poil ("Others say rhymes that fail to be original / Or they kill where the hiphop starts / Forget about the ghetto / And rap for the pop charts.")
Ouep en 1988, ouep en 2015. Combien de rappeurs à la petite semaine chantent ce qu'on a envie d'entendre ? Combien disent blanc alors qu'en backstage ils disent noir ? ("Some musicians curse at home / But scared to use profanity when up on the microphone / Yeah, they want reality but you won't hear none / They rather exaggerate, a little fiction / Some say no to drugs and take a stand, but after the show they go lookin' for the dopeman / Or they ban my group from the radio. Hear NWA and say "Hell no!".)

On peut leur reprocher ce qu'on veut, perso je préfère mille fois un groupe qui a des couilles plutôt qu'un musicos qui a peur de proférer des obscénités ("scared to use profanity when up on the microphone") de peur d'être censuré ou pire, pas aimé du public. Le truc c'est que ce n'est pas tout de balancer la sauce, autant faut-il y mettre les bons dosages. Question d'équilibre. NWA est un combo rude avec des phrases rudes elles aussi, mais parler de la rue, faire une espèce de sociologie de la hood/thug life, c'est parfois devoir mettre les petits plats dans les grands. On a rarement vu un poisson pondre une tortue.

Pour conclure.
La deuxième partie ; à savoir sa face B est quelque peu décevante au regard de la A. Certes c'est relatif mais on sent comme un essoufflement de-ci de-là (sur "Compton's n the House (Remix)" et "I Ain't tha 1"), des morceaux qui ne sont pas à la hauteur de l'excellence du début de l'album. Alors fatalement, je me dis que c'est rageant car ça amoindrit la qualité générale de SOC.
Un opus majeur (because 1988) car personne ou très peu s'étaient aventurés sur un terrain miné comme celui-là, un opus majeur du fait de la présence de trois bombes (les 3 premiers titres) et un opus majeur où l'on retrouvera pour la dernière fois réunis Ice Cube, Dr. Dre et Eazy-E avant le clash. C'est pas rien n'empêche.

Pièce historique du hip-hop.
Faut pas déconner quand même. 

A1 Straight Outta Compton 4:18
A2 ____ tha Police 5:46
A3 Gangsta Gangsta 5:36
A4 If It Ain't Ruff 3:34
A5 Parental Discretion Iz Advised 5:15
B1 Express Yourself 4:25
B2 Compton's n the House (Remix) 5:20
B3 I Ain't tha 1 4:54
B4 Dopeman (Remix) 5:20
B5 Quiet on tha Set 3:59

Label: Ruthless / SL-57102



N.W.A. and the Posse - N.W.A. and the Posse (1987) (Compton, CA.)

N.W.A. & Leurs Potes 

'Cuz the boyz in the hood are alwayz hard
Come talkin' that trash and we'll pull your card
Knowin' nothin' in life but to be legit
Don't quote me boy, cuz  I ain't said shit
C'est à travers une pochette en haute teneur en oldschoolitude que les N.W.A. s'associent avec leurs copains de la rue. This is the Boyz-N-The Hood. Ce concept-album réunit donc la mouture de NWA (Eazy-E, Ice Cube, Dr. Dre) et des apparitions disons, très aléatoires et improbables. S'il n'y a aucun doute que Eazy-E et ses comparses de Niggaz Wit Attitudes surnagent ici, il n'en va pas de même pour les octrois de places [j'y reviendrai] dans cet opus devenu un collector. Les deux premières pistes sont LES moments-phares. "Boyz-N-The Hood" est très probablement un des meilleurs morceaux de hip-hop écrits et composés au milieu des eighties. C'est à Ice Cube que revient les lyrics de cette comète. Visez les paroles, c'est du storytelling des familles dont Slick Rick peut également se targuer. 
Alors voilà commencer une galette en ayant chopé la fève dès la première bouchée, ça fout les nerfs. Y a plus de challenge. Et, malgré un "8-Ball" (toujours écrit par Ice Cube) qui tient bien la route même en pneus slick, le restant n'est pas folichon, voire carrément mauvais. Le "Scream" de Rappinstine en est l'exemple n°1.
A décharge pour NWA, cette production est un espèce de test, un essai pas transformé. Mais bon c'est en essayant qu'on peut savoir si on se trompe ou pas. Et d'ailleurs leur "vrai" premier album (et sommet du genre) Straight Outta Compton arrivera dans les bacs moins d'un an après ce tour de piste. Les pendules seront remises à l'heure de Compton à ce moment-là.
Pour l'heure, on a affaire à du matériel en rodage, que ce soit dans les compos que dans la technique des protagonistes. Faut quand même pas oublier que Eazy-E a 23 ans, Dr. Dre 22 et Ice Cube 18. C'est aussi pour cette raison que mon propos est mesuré car la folle équipe (qui se tirera les cheveux par la suite) joue dans une cour encore amateuriste en 1986/87. La signature sur le petit local Macola en est aussi la preuve. Le label Ruthless de Eazy-E prendra le relai très rapidement. Explicit content oblige pour s'autogérer.

Même si cet album/compilation est très disparate, il contient néanmoins des actes fondateurs, que ce soit pour NWA ou ses membres à part entière.
Tout est parti de là.
Where it all began comme on dit là-bas.  

A1 Eazy E - Boyz-N-The Hood 5:37
A2 N.W.A. - 8-Ball 4:00
A3 The Fila Fresh Crew - Dunk the Funk 4:40
A4 Rappinstine - Scream 3:18
A5 The Fila Fresh Crew - Drink It Up 4:27
B1 N.W.A. - Panic Zone 4:30
B2 Eazy E and Ron-De-Vu - L.A. Is the Place 4:28
B3 N.W.A. - Dope Man 6:00
B4 The Fila Fresh Crew - Tuffest Man Alive 3:59
B5 Eazy E and Ron-De-Vu - Fat Girl 2:48
B6 The Fila Fresh Crew - 3-the Hard Way 4:23 

Label: Macola MRC-LP 1057