lundi 11 mai 2015

Chef Raekwon - Only Built 4 Cuban Linx... (1995) (Brooklyn, NY.)

Préambule
Avec le Liquid Swords de GZA sorti quelques mois plus tard, ce Only Built 4 Cuban Linx... est ce qui est arrivé de mieux post-36 Chambers. Explications.

Bon pour commencer, Raekwon est sans doute le membre du Wu-Tang Clan que je préfère. Style inimitable, débit et voix eux aussi détectables de suite. Il incarne le top rappeur par excellence. A la fois exubérant dans ses attitudes, il sait également mettre de l'eau dans son vin, en témoigne cet album. Dans le monde du hip-hop c'est typiquement la figure des deux tranchants de la lame ; d'un côté le son hardcore qui coule dans ses textes et de l'autre les angles arrondis par des mélodies et beats qui visent toujours dans le mille, distillés par RZA, aka le faiseur de miracles.

Comme pour bon nombre d'albums que j'ai écoutés et non encore notés ni plus reviewés, Only Built 4 Cuban Linx... fait partie de cette frange (très rare) de productions exceptionnelles dont est important de parler et souligner. Et pas seulement pour les afficionados du hip-hop, mais aussi et surtout pour un public non averti à ce genre musical; à savoir le hardcore hip-hop. Mais il serait réducteur de s'arrêter là car cet album est un condensé, un mélange, un melting-pot de ce que la musique a à nous offrir. Une heure et dix minutes pendant lesquelles Raekwon et tous les membres du Wu-Tang Clan (excepté l'absence de Ol' Dirty Bastard, allez savoir pourquoi. Il était pitet en taule...) créent un maelstrom incroyable et envoûtant autour de flows, de beats acérés mais également sous-jacentes en background.

Only Built... est de ces opus qui vous fout une claque dès la première écoute, quelque chose se passe immédiatement dans votre tête. Le tourbillon acoustico-lyrique s'accroche sans vous lâcher du début à la fin. Les associations en featuring sont top-niveau classe mondiale, et pour la toute première fois dans le monde du Wu-Tang Clan, un rappeur extérieur vient apporter son concours sur un titre (Nas sur "Verbal Intercourse"), et ça donne là aussi une qualité qui dépasse l'entendement.
C'est la 3è ou 4è fois que je ressens pareils sentiments à l'écoute d'un album de hip-hop, après le Enter the Wu-Tang (36 Chambers) du Wu-Tang Clan, The Infamous de Mobb Deep et le Endtroducing..... de DJ Shadow; tous trois notés 5*. Ainsi que Liquid Swords cité en intro. C'est dire.  

Creusons...

Raekwon établit un parallèle entre les destinées des membres du Wu-Tang Clan et ceux d'une famille de la mafia. Hormis cette parabole peu évidente à saisir, Only Built 4 Cuban Linx ouvre effectivement la voie du gangsta rap west-coast qui ne va pas tarder à exploser avec All Eyez on Me de 2Pac l'année suivante.

Le plus surprenant dans OB4CL, c'est son climat étonnamment apaisé. Raekwon arrive à alléger les rythmiques du gangsta rap tout en conservant les bruitages de rue et autres dialogues estampillés comme tels. Au lieu d'une menace permanente, c'est plutôt une sorte de reportage auquel se livrent Raekwon et RZA. Un seul skit vient s'immiscer dans un flow quasi discontinu de 18 morceaux, et justement en plein milieu comme pour nous signifier que c'est l'entracte. Allez chercher du pop-corn et revenez écouter la suite. Acte II. La suite ? le premier acte est de très haute volée mais le second est selon moi un modèle du genre. Alors que je situerais la première partie dans un cadre pluvieux, humide et venteux, la seconde passe de cette atmosphère mortifère ("Criminology", "Guillotine (Swordz)" et "Rainy Dayz") à la cryogénisation comme en attestent les titres "Ice Water", "Glaciers of Ice" et "Ice Cream". Et l'avant-dernière piste "Heaven & Hell" assoit encore mieux le passage entre les deux mondes ; le chaud et le froid. Ou plus métaphoriquement la confrontation entre le Mal et le Bien. Cet opus résume très bien cette dichotomie détenue dans ce titre. A la fois l'Enfer sur Terre et le Paradis rédempteur.
Ce glissement syntaxique donne à la thématique de l'album tout son sens, à l'instar d'une pièce de théâtre dans laquelle les personnages seraient amenés à jouer des scènes dans des environnements bien distincts. On peut presque parler de concept-album quand on cite ce premier essai de Raekwon au regard de tout ce que j'ai dit précédemment. C'est même implacable finalement. Une espèce d'estampille au Clan et ses membres.

Passé le constat rhétorique et l'ambiance générale, il est selon moi clair et définitif que cette production est l'une des plus importantes et déterminantes dans le hip-hop. Sur Only Built... le hardcore east-coast s'entremêle à l'envi avec les atmosphères qu'on retrouvent dans l'horrorcore ("Rainy Dayz" et "Guillotine" par exemple), avec des éléments plus lénifiants comme sur "Verbal Intercourse" et le remix de "Can It Be All So Simple" présent avec sa forme première sur 36 Chambers. Et ces fameuses atmosphères propres au Wu-Tang ; à savoir le côté épique des films de kung-fu retranscrit spécifiquement sur des titres-phare tels "Criminology" et "Guillotine (Swordz)". Voilà quelques exemples et pistes pour lire cet album.

Construit pour durer

J'aurais tellement de choses à dire en plus concernant ce Only Built... mais je crains d'y passer des heures. En résumé, il apparaît comme un album de hip-hop qui aura marqué son époque de par sa conception, production, construction et écriture. A l'heure actuelle, je ne vois aucun opus capable de rivaliser sur tous les points que j'ai cités plus haut. (durée, nombre de morceaux, atmosphère(s), histoire,...)

Album intouchable et unique.

1 Striving for Perfection 1:43
2 Knuckleheadz 4:05
3 Knowledge God 4:27
4 Criminology 3:49
5 Incarcerated Scarfaces 4:30
6 Rainy Dayz 5:17
7 Guillotine (Sworz) 4:21
8 Can It Be All So Simple (Remix) 4:10
9 Shark Niggas (Biters) 1:39
10 Ice Water 4:02
11 Glaciers of Ice 4:54
12 Verbal Intercourse 4:07
13 Wisdom Body 2:34
14 Spot Rusherz 3:51
15 Ice Cream 4:16
16 Wu-Gambinos 4:58
17 Heaven & Hell 3:58
18 North Star (Jewels) 4:00

Label: Loud Records / 07863-66663-2


 

O.C. - Jewelz (1997) (Brooklyn, NY.)

O.C. faisait partie des supergroupes Crooklyn Dodgers et D.I.T.C. au milieu des nineties et le moindre qu'on puisse dire est que ses deux premiers albums en solo sont de très belles réussites.
Après un premier et excellent Word...Life en 1994, le revoici trois ans plus tard avec Jewelz. Encore meilleur. Franchement, en ayant écouté le 1er opus, je ne pouvais imaginer que celui-ci le dépassât. Et pourtant - mis à part le relatif moyen "Far From Yours", l'apport vocal de Yvette Michele donne un côté RnB pas désagréable en soi mais venant "casser" la belle machine de l'album selon moi. Enfin bref pas de quoi non plus se plaindre mais quand je vois le reste de la galette, je me dis que c'était pas forcément nécessaire de claquer ce genre de titre.
Car côté bright side of the moon, y a beaucoup à se mettre sous la dent. Hormis le titre susnommé, tout est digne de figurer dans une compilation de hip-hop. On est de suite mis dans le grand bain dès le morceau introducteur "My World" ; modèle du genre east-coast boom bap avec une production racée de DJ Premier (pléonasme, car DJP a des beats que lui seul peut sortir d'une platine). Un titre qui casse la baraque d'entrée. Et ce n'est pas de la poudre aux yeux comme on peut en trouver ça et là, car la suite lui donne raison où le duo Organized Konfusion vient apporter son concours sur "War Games" ; là encore une prod de Preemo. La touche jazzy en plus qu'un Pete Rock n'aurait pas reniée. C'est vers "The Chosen One" que mon coeur balance le plus. Cette piste me montre une nouvelle fois que la finesse est aussi une facette du rap. C'est de la dream hip-hop en fait ce morceau, couplée à une atmosphère jazzy-lounge hyper relaxante. Check this out! Probablement le moment de l'album le plus lénifiant. Merci Buckwild pour la prod. Saut de puce sur "Stronjay". Cette fois-ci c'est du côté de Da Beatminerz qu'il faut se tourner pour une production rendant ce passage des plus zen. Je le mettrais quasiment au même niveau que "The Chosen One" niveau hypotension et relaxation du cortex. Deux pistes terriblement addictives. Vérifiez donc. Moi qui adore le rap jazzy et le hip-hop east coast estampillé boom bap 'tranquille le chat', je suis servi là. Les cinq derniers morceaux de l'album viennent asseoir un peu plus ce que je viens de dire. La qualité générale mérite d'être saluée, la production est irréprochable avec des pointures qu'on ne présente plus (Buckwild, DJ Premier, Da Beatminerz, Showbiz, Lord Finesse). Et une mention spéciale à DJ Ogee qui lui aussi gagne à être (re)connu car ses deux beats ("Can't Go Wrong" et "You & Yours") sont excellents.

Au final c'est un album que tout amateur de hip-hop devrait écouter, et accessoirement le placer sur la pile du haut des productions du genre. 

1 Intro 0:31
2 My World 4:16
3 War Games 3:30
4 Can't Go Wrong 3:45
5 The Chosen One 4:35
6 Dangerous 4:15
7 Win the G 5:44
8 Far From Yours 4:58
9 Stronjay 5:06
10 M.U.G. 3:21
11 The Crow 4:27
12 You & Yours 4:22
13 Hypocrite 2:31
14 It's Only Right 3:53
15 Jewelz 5:55

Label: Payday / 314-524-399-2

DJ Premier - Signature Sounds Vol.1 (2004) [Compilation]

Voilà une compilation qui casse la baraque et incendie les maisons environnantes. Elle regroupe une sélection de 46 morceaux produits par DJ Premier allant grosso modo du début des années 90 à 2003. C'est selon moi la prod du boss qu'il faut avoir. Et le titre parle de lui-même - "Signature Sounds" - y a pas plus clair comme nom. Effectivement, pendant 3 heures vous en prenez plein les oreilles. De titres connus "Return of the Crooklyn Dodgers", "Thick", "A Million and One Questions / Rhyme No More", "MC's Act Like They Don't Know" et "Mathematics", on a également droit à des choses beaucoup plus underground comme "Gotcha Back", "Rock Stars", "Intruder Alert", "F.A.Y.B.A.N." (Fuck All Y'all Bitches Ass Niggas dans le texte) ou encore le superbe "Love Is Gone" de Jaz-O & The Immobilarie.
DJ Premier porte vraiment bien son nom. Certains usent de nicknames parfois risibles voire totalement en inadéquation avec leur talent, lui, en revanche, prouve depuis la fin des années 80 que c'est lui le patron dans la cour de récré. Les connaisseurs comprendront. Les autres doivent savoir que ce type est aux platines et autres tables de mixage ce que Johan Cruijff était au foot néerlandais (bah oui chacun ses références) ; à savoir une institution.
Perso j'aurais aisément rajouté 1 voire 2 CDs en mode box set. Eh Chris, ça te dirait pas d'y penser ? Si oui je fais de suite une pré-commande. 

  • 1.1 A.G. - Weed Scented 3:30
  • 1.2 Big Daddy Kane - Any Type of Way 3:58 
  • 1.3 Big L - Ebonics (DJ Premier Remix) 3:00 
  • 1.4 Craig David - 7 Days (DJ Premier Remix) 4:24
  • 1.5 The Crooklyn Dodgers - Return of the Crooklyn Dodgers 5:04
  • 1.6 D'Angelo - Devil's Pie 5:21
  • 1.7 D.I.T.C. - Thick 3:45
  • 1.8 Ed O.G. - Sayin' Somethin' 2:59
  • 1.9 Fat Joe - Dat Gangsta Shit 2:52
  • 1.10 Freddie Foxxx - Lazy! 4:28
  • 1.11 Gang Starr - Battle (Soundtrack Version) (Edit) 2:56
  • 1.12 Gang Starr - Tha Squeeze 3:27
  • 1.13 Gang Starr - The Natural 2:47
  • 1.14 Group Home - The Legacy 4:01
  • 1.15 Heather B. - Steady Rockin' 3:50
  • 1.16 Jadakiss - None of Y'All Betta 3:37
  • 1.17 Janet Jackson - Together Again (DJ Premier 100 in a 50 Remix) 5:23
  • 1.18 Jay-Z - A Million and One Questions / Rhyme No More 2:59
  • 1.19 Jay-Z - So Ghetto 4:01
  • 1.20 Jaz-O & The Immobilarie - Love Is Gone 4:07
  • 1.21 Jeru the Damaja - Ya Playin' Yaself 3:46
  • 1.22 Just-Ice - History 3:11
  • 1.23 KRS-One - MC's Act Like They Don't Know 4:42   

  • 2.1 KRUMB SNATCHA - Incredible 3:42
  • 2.2 Lady of Rage - Unfuckwitable 3:41
  • 2.3 M.O.P - Follow Instructions 3:47
  • 2.4 M.O.P - Roll Call 4:03
  • 2.5 Macy Gray - I've Commited Murder (Gang Starr Remix) 4:33
  • 2.6 Mos Def - Mathematics 4:07
  • 2.7 Nas - N.Y. State of Mind, Part 2 3:36
  • 2.8 Nas - Nas Is Like 3:57
  • 2.9 Non Phixion - Rock Stars 4:00
  • 2.10 NYG'z - Giantz ta Thiz 3:47
  • 2.11 Pitch Black - It's All Real 3:59
  • 2.12 Rah Digga - Lessons of Today 3:47
  • 2.13 Rakim - When I B on tha Mic 3:42
  • 2.14 Rise and Shine - Gotcha Back 3:18
  • 2.15 Royce da 5'9" - Boom (12" Street version) 3:53
  • 2.16 Sauce Money - Intruder Alert 4:25
  • 2.17 Screwball - F. A. Y. B. A. N. 3:05
  • 2.18 Snoop Dogg - The One and Only 3:49
  • 2.19 Sonja Blade - Look 4 tha Name 3:42
  • 2.20 The Notorious B.I.G. - Kick in the Door 4:46
  • 2.21 The Notorious B.I.G. - Rap Phenomenon 4:04
  • 2.22 Da Ranjahz - Inspiration 4:33
  • 2.23 Xzibit - What a Mess

Jaz-O & The Immobilarie - Kingz Kounty (2002) (Brooklyn, NY.)

Les rois du comté, pas cheesy pourtant.

 Un album totalement passé inaperçu dans le monde du hip-hop au début du siècle. Faut dire que le duo n'a pas de fait d'arme hormis deux ou trois trucs de-ci de-là.
Perso c'est à travers le Signature Sounds de DJ Premier que j'ai fait la connaissance des deux gonzes Jaz-O et Immobilarie via "Love is gone" qu'on retrouve ici. La signature sonore du DJ est presque évidente quand on connaît un minimum son boulot. Il signe également à la prod le premier morceau "718".
L'album est long et qui plus est sans skit ni interlude. Alors c'est un peu à quitte ou double cette histoire quand on a un long courrier comme ça d'un trait. Faut vraiment que le contenu soit à la hauteur car on a vite fait de s'ennuyer. Moi oui. Toutefois avec ce Kingz Kounty, point de titres faibles non plus de remplissage. Y a bien "I Know What You Like" et "Diaries" qui sont en-deçà du reste mais l'ensemble est vachement plaisant. Alors évidemment "Love Is Gone" me semble surnager avec ces beats Preemo-esques qui ne dépareilleraient d'aucune manière sur un album de Gang Starr, époque Hard to Earn surtout. Les fameuses mid-90s. L'autre grosse satisfaction vient de la piste "Deadly" qui claque comme une song de Canibus sur Rip the Jacker. Le genre épique quoi.
Outre Preemo, une autre figure s'adonne à un featuring ; Jay-Z sur "Let's Go". Une chanson assez étonnante avec des violons. En l'entendant je me suis dit "oh c'est cool on dirait de la musique celtique". Les autres invités de marque sont les deux barrés de M.O.P sur "Pledge Allegiance". Là on n'est plus dans le monde celtique mais dans le hardcore pur et dur. Ça tabasse, rien de plus.
Sur la piste 12 "Slut", un nom que les amateurs de rap connaissent. Une des figures des racines du genre ; mister Grandmaster Caz. Un des instigateurs des B-Boys dans le Bronx au début des années 80. Pas le dernier des inconnus quoi. Il amène sa patte en feat dans ce morceau à l'ambiance hip-hop/RnB qui me fait penser à "Mrs. Fat Booty" de Mos Def. Enfin l'ultime piste "BQE" où Mr. Cheeks des Lost Boyz donne la touche finale dans cette bonus track qui clôt la galette de fort belle manière. Boom bap, boom bap.

1 718 4:03
2 Jinkin 3:44
3 This Be Him 3:39
4 Let's Go! 4:00
5 I Do 3:36
6 Never Forget You 3:51
7 Take Me Papi 4:00
8 All in the Game 4:32
9 The Best 4:06
10 Live It Up! 4:34
11 I Know What You Like 3:53
12 Slut 4:01
13 Love Is Gone 4:06
14 Diaries 4:13
15 Heron & Crack (Just Say No) 5:36
16 Deadly 4:19
17 Pledge Allegiance 4:04
18 Enemy Lines 4:36
19 B.Q.E. [bonus track] 3:49

Label: Rancore Records 6412332


Pete Rock & C.L. Smooth - Rare Tracks (1998) [Compilation, remixes] (Mount Vernon, NY.)

En seulement trois ans Pete Rock & C.L. Smooth auront laissé au hip-hop une empreinte indélébile marquée par 1 EP et 2 albums incroyables. Tout comme Gang Starr, le duo se voit équipé d'un DJ/producteur/remixer et d'un rappeur first class qui les font passer pour les deux meilleurs duos dans l'histoire du hip-hop.
Alors que C.L. Smooth connaîtra des fortunes diverses, on ne peut pas dire la même chose de Pete Rock qui, de son côté, s'associera entre autres avec son frangin Grap Luva pour former le météorique InI juste après le split d'avec son compère ici, mais aussi et surtout sera producteur sur une kyrielle d'albums (Nas, Ghostface Killah, Slum Village, AZ et j'en passe beaucoup). La platine et la console Akai MPC sont ses amies. Et là sbim transition.

Les 10 morceaux présents ici ne sont pas de simples titres qu'on retrouve sur leurs albums mais comme indiqué des remix par Pete Rock himself évidemment. En plus d'être une compilation qui regroupe tous les gros tubes du duo, ceux-ci se voient affublés d'un retravail total en studio avec l'apport de beats très orientés jazzy (la marque de fabrique de Pete Rock en somme). Je serais tenté de dire que cette mosaïque est quasiment un album à part entière quand on voit le décalage qu'il y a entre les morceaux originaux et les remix de ces derniers. Du nouveau matériel qui n'altère en rien le précédent mais qui plus est lui donne un autre élan, une autre perspective. En fait, on pourrait même dire que ce sont des alternate takes tant la forme et la durée des chansons sont dans un registre nouveau et étendu.

Au final, c'est une compil essentielle dont on a affaire.
Les talents de Pete Rock sont une nouvelle fois mis en avant. 

1 Searching (Remix) 4:50
2 Take You There (Remix) 4:56
3 Lots of Lovin' (Remix) 6:00
4 I Got a Love (Remix) 5:01
5 It's Not a Game (Vocal) 4:23
6 Mecca & the Soul Brother (Wig Out Mix) 6:41
7 Creator (EP Mix - Vocal) 4:44
8 Straighten It Out (Vocal Remix) 4:18
9 They Reminisce Over You (T.R.O.Y.) (Vibes Mix) 4:54
10 Get on the Mic (Remix) 4:05

Label: EastWest / AMCY-2961

Oxmo Puccino - L'amour est mort (2001) (Paris, FR.)

Plutôt pop que hip-hop

C'est dingue comme en trois années, un artiste peut passer d'un album frisant l'insolente perfection à un second opus frisant quant à lui l'indélicate platitude des rappeurs de seconde zone.
Explications.

Oxmo Puccino est ce que je nomme un "poète hardcore". Mêlant anecdotes, faits divers et histoires personnelles dans ses chansons, il incarne à la fin du siècle dernier le rappeur à la voix de velours dans un corps de colosse. A la fois déliés et empreints de conscience, nombreux sont ses textes à marier la riche rime aux métaphores de la vie quotidienne. Son premier album Opéra Puccino en est le parfait exemple dans le monde du rap français. (je pense même le placer - cet album - parmi les tous meilleurs dans l'Hexagone). Cependant, début du XXIè siècle - il sort une deuxième production qui est loin d'établir le même constat. Très loin même. Alors que Opéra Puccino nous faisait étalage de tout son talent pendant 70 minutes en se disant même qu'il aurait pu continuer pendant une demi-heure, ici les 75 minutes paraissent une éternité. J'en reviens au début de cette critique en affirmant que c'est fou comme d'un album à l'autre les mouches ont changé d'âne. A tous les niveaux d'ailleurs. 
D'abord la production. Pouah qu'est-ce que c'est fade. Mis à part les deux petits bijoux que sont "Boule de neige 2001" et "J'ai mal au mic" (dans le fond et la forme), le reste est soit moyen soit pas bon du tout. Je ne parle pas de "Fais-le pour moi" qui est très probablement le pire morceau que Oxmo ait pu enregistrer. Donc la prod est d'une fadeur innommable. Les beats sont d'un commun, le flow est plat lui aussi. On a affaire à une suite de chansons, posées là comme une rosée en diverses saisons. Sans but, sans raison. 
Deuxio, les paroles. L'émotion dans le verbe a disparu des tablettes. Un manque d'inspiration dès le deuxième album ? j'en doute car il reviendra plus tard avec des bons textes. Mais il s'associe avec les mauvaises personnes surtout. Les quelques featurings ne cassent pas trois pattes à un canard. Pis, ils cassent parfois les coui****. Il y a comme un sentiment d'épidémie du bas-étage dans L'amour est mort. Alors qu'il est censé être un clin d’œil à Jacques Brel, il donne plutôt la sensation d'être un hommage au mauvais goût ainsi qu'à un ensemble hétéroclite qui ne va nulle part. 1h15 c'est foutrement long quand c'est pas bon. A vrai dire on ne sait où se poser car il y a vraiment trop de morceaux moyens.  
Tertio, on ne sent pas Oxmo concerné par ce qu'il chante. Comme s'il répétait mécaniquement des textes, déclamés la plupart du temps sans âme, sans substance, sans envie. Paradoxal puisque les thèmes abordés devraient nécessiter un minimum d'engagement et d'attaque vocale. Alors que sur son précédent opus, les beats claquaient fort, donnant le tempo et l'empreinte au disque. A contrario ici le ton est linéaire et donne rarement satisfaction. En gros ça ne décolle jamais.

Perso c'est une déception car deux pistes ne peuvent sauver un ensemble qui ne s'engage pas et se cantonne à rester aux frontières d'un rap mellow.

Alors l'amour est mort au moins pour cet album.
 

1 Je vous l'ai dit 0:24
2 Quand j'arrive... 4:01
3 Demain peut-être 4:24
4 La valse de Jéricho 0:44
5 Le tango des belles dames 3:50
6 J'ai mal au mic 3:16
7 Boule de neige 2001 4:00
8 Le laid 2:54
9 Décembre 19.97 +1 1:08
10 Ghettos du monde 3:48
11 Nuit de stress 0:49
12 S'13-6.35 4:45
13 Premier suicide 4:37
14 Fais-le pour moi 4:07
15 A ton enterrement 5:02
16 Souvenirs 4:08
17 Mine de cristal 4:50
18 Balance la sauce 4:18
19 Guérilla 1:29
20 Antidiplomate 4:15
21 Les raisons du crime 4:05
22 L'amour est mort 2:59

Label: Delabel / 7243 8 50520 2 6


Oxmo Puccino - Opéra Puccino (1998) (Paris, FR.)

1998, 18 titres, 68 minutes. L'Opéra du Grand 8 !

Dans le paysage rap français, on aime à citer les IAM, Suprême NTM, MC Solaar comme les parangons d'une culture hip-hop riche. Mais Oxmo Puccino a son mot à dire sur cet échiquier prolifique. Les uns viennent de Marseille, les seconds de la capitale, les deux derniers sont des enfants d'immigrés africains venus s'établir dans la métropole dans les années 70. Et tous quatre nous ont abreuvé d'albums qui resteront dans les annales de la discipline comme des milestones indéfectibles.
Et Opéra Puccino est de ceux-là. Sans l'ombre d'un doute. Il est même selon moi plus qu'une pierre angulaire du rap français ; il outrepasse tout ce qui a pu se faire avant et après. Car Oxmo a à la fois une voix particulière mais une rime dissonante comme le faisait Renaud au début des années 80. Parfois il joue avec les mots en les faisant rimer, et à d'autres moments ils fournit une texture syntaxique beaucoup plus aléatoire (volontaire). Ainsi, l'écouter débiter ses textes, c'est faire face à de l'inattendu dans le domaine. Car hormis MC Solaar qui fit don de ses talents dès son premier album en 1991, je ne vois pas un autre artiste dans le rap français qui ait aussi bien manié la langue, les mots et les thèmes abordés.
Cet album est empli de tristesse, de gravité de ton, de prise(s) de conscience. Je dirais même qu'elles sont l'estampille de l'opus. Un peu plus d'une heure pendant laquelle l'auditeur est face à des vérités, des biographies, des mises en exergue constantes. En somme on ne rigole pas, on ne blague pas. C'est du rap conscient ? oui complètement, ainsi que des mélodies et des textes qui frisent le sublime ("L'enfant seul", "Qui peut le nier !")
Pis, ce sont des paroles qui vont au-delà du rap, au-delà des frontières d'un genre, d'un style musical. Textes déclamés pour la plupart, parfois à la limite de l'a capella, Oxmo Puccino montre dès son premier essai toute l'étendue de ses qualités d'auteur et interprète. (il le prouvera encore avec The JazzBastards en 2006) Et même si "Mensongeur" ne gravite pas dans le même registre que le reste de la galette, n'en demeure pas moins qu'il est un titre qui donne la bougeotte, me rappelant à ma bonne mémoire des dancefloors quand j'étais au lycée en 1998. 

Au sortir de Opéra Puccino, votre cerveau et vos oreilles se rappelleront des mélodies et paroles tissées au fil de soie, au débit à la fois lissé et accrocheur, tendre et sauvage tel le chat qui se couche pour mieux sauter à la gorge du chétif moineau.
Vous, moi, tout le monde est le moineau.
J'ai pris ma dose. Je peux aller me coucher. Apaisé et conscient.

1 Visions de vie 4:53
2 Black Mafioso (Interlude) 1:56
3 Hitman 4:16
4 Qui peut le nier ! 4:14
5 Peur noire 2:57
6 L'enfant seul 4:10
7 Alias Jon Smoke 3:22
8 Peu de gens le savent (Interlude) 3:59
9 Amour & Jalousie 3:38
10 24 heures à vivre 3:57
11 Sacré samedi soir 4:16
12 Le jour où tu partiras 4:30
13 Sortilège 3:16
14 Black Cyrano de Bergerac (Interlude) 1:30
15 Mensongeur 4:17
16 La lettre (Tant de choses à dire) 3:48
17 La loi du point final 3:32
18 Mourir 1000 fois 5:08

Label: Delabel / 7243 8 43786 2 6


Gang Starr - The Ownerz (2003) (Boston, MA.)

Gang Starrz skillz, once again

 Avec Gang Starr, je pensais que l'histoire avait été réglée en 1998 avec Moment of Truth mais ce dernier album a dépassé - et de loin - mes espérances. J'avais jeté une oreille plus ou moins distraite sur deux morceaux ("Zonin" et le feat avec Snoop Dogg "In This Life"), mais en aucun cas je ne m'attendais à ce que TOUT l'album soit d'un tel niveau. D'abord, une note générale bonne sans être exceptionnelle ne m'avait pas interpellé outre mesure, et puis en ayant côtoyé le reste de la discographie du duo, je me disais in petto que le meilleur était derrière eux. Eh bien mes noix ! choc collatéral de premier ordre pour ma gueule. 
16 réelles pistes - en enlevant les skits et interludes - dont seule "Nice Girl, Wrong Place" est en-dessous des autres. Pas mauvaise mais c'est pas du Gang Starr. Sinon le reste ? pouah mes aïeux y a du strong à tous les étages. On ne saurait où donner de la tête tant les bons morceaux pullulent dans cet ultime album des Bostoniens. On rentre de suite dans le vif du sujet avec un titre bien senti ("Put Up or Shut Up") qui lance les hostilités en frontal. Ça sent bon tout ça. Parfois les groupes te foutent de la poudre aux yeux au début et après le soufflet redescend très vite à la hauteur de tes attentes. Mais ici que dalle mon pote. Ça enchaîne, ça déchaîne, ça feature et ça bouscule. On est dans du hardcore light, car faut pas oublier que la force de Gang Starr c'est de proposer une zik qui allie les gros beats qui claquent à des lyrics soyeuses. On fait dans la dentelle en n'oubliant pas de faire passer un message. Voilà le délire. Mais ici - et je trouve qu'ils ont fait fort - Guru et DJ Premier ont su marier leurs forces avec celles de quelques rappeurs sur près de la moitié des titres sans dénaturer leur musique et, a contrario, lui donner un autre élan. Risqué comme pari car les deux compères ont montré par le passé qu'ils pouvaient aisément se suffire à eux-mêmes. L'exemple le plus criant se trouve sur "Who Got Gunz". Pas le morceau le plus délicat qui soit mais celui qui témoigne le mieux d'une collaboration dans le groupe. A moindre mesure "In This Life..." a lui aussi un faire-valoir à exprimer. Ainsi les featurings se mélangent sans sourciller aux autres pistes dans lesquelles Guru est seul au mic. Et ça passe comme une lettre à la poste jusqu'à la fin. "Zonin", "Skillz", "Peace of Mine" et "PLAYTAWIN" sont les quatre pièces-maîtresses de la galette hors featuring.
Contrairement à ce que j'ai pu lire ici et là, l'album ne souffre d'aucune faiblesse par rapport à leurs précédents opus. C'est étrange que je puisse dire ça, moi l'amoureux des années 90 dans le domaine, mais oui cet album est puissant. DJ Premier a encore frappé à la console, a chopé et mixé des samples de salopard, fait un boulot de dingue à la prod comme à son habitude ; à savoir de l’orfèvrerie, donnant à son pote Keith encore la possibilité d'exprimer ses talents d'emcee. D'ailleurs Guru n'est pas le plus impressionnant techniquement derrière un micro, mais foutredieu c'est l'un des rares à savoir utiliser sa voix à bon escient. Du feeling les mecs, de la présence et un flow quasi unique. Ah ce "Peace of Mine" ...

Déjà que j'estime ce duo comme le meilleur de tous les temps dans le hip-hop, là c'est encore plus ancré dans ma tête après avoir écouté The Ownerz. Gang Starr est et restera à jamais comme the best duet ever.
Rideau tiré.
R.I.P. Guru.

1 Intro (HQ, Goo, Panch) 0:47
2 Put Up or Shut Up 3:16
3 Werdz From the Ghetto Child 1:11
4 Sabotage 2:25
5 Rite Where U Stand 3:39 
6 Skillz 3:20
7 Deadly Habitz 4:15
8 Nice Girl, Wrong Place 3:33
9 Peace of Mine 3:03
10 Who Got Gunz 3:36
11 Capture (Militia Pt. 3) 3:23
12 PLAYTAWIN 3:12
13 Riot Akt 4:04
14 (Hiney) 1:32
15 Same Team, No Games 3:45
16 In This Life... 3:06
17 The Ownerz 2:58
18 Zonin' 2:55
19 Eulogy 2:55

Label: Virgin / 7234 5 80247 0 8 

 

Gang Starr - No More Mr. Nice Guy (1989) (Boston, MA.)

Faut bien un début à tout, comme dirait un pote à moi qui n'a pas oublié d'être tautologue les jours de pluie. Bon eh bien je le plagie mais je pense qu'il ne m'en voudra pas pour cette sentence pleine de bon sens et d'à-propos.
Gang Starr, AKA le meilleur duo de hip-hop de tous les temps. Sbim je mets les pieds dans le plat d'entrée de jeu. Oui je voue un quasi culte pour Guru et Preemo. Et bizarrement - bien que je commence toujours la discographie d'un groupe par ses débuts - j'en suis venu à écouter ce No More Mr. Nice Guy après m'être enfilé deux autres galettes postérieures. Genre à la 'sauce préquelle' histoire de voir comment le son de DJ Premier s'est forgé au fil du temps.
1989, where it all began, comme on dit chez les British. Oui tout a commencé à cette date quand DJ Premier a intégré l'équipe.
1989, leur 1er album qui sera aussi leur dernier chez le label (devenu très prisé) Wild Pitch avant d'aller cogner à la lourde de Chrysalis.
1989 c'est cette pochette où les deux compères arborent un couvre-chef en cuir et Guru un futal dans cette même matière. En 2014 c'est zarbi mais à cette époque c'était la mode. Soit. Encore quelques détails, et on pourrait dire qu'ils sont les portiers d'un nightclub gay. Bref.
Bon j'arrête de dire des conneries.

Je pense que si Gang Starr n'avait enregistré que ce seul album, on l'aurait, je pense, taxé de bonne production. Cependant il y a une suite. Et quelle suite ! C'est un mal pour un bien dans un sens. Certes ce premier essai se laisse écouter plaisamment avec des envols tripants ("Gotch U" et "Manifest") mais l'ensemble est bien loin de ce que sera la suite du groupe new-yorkais. On a affaire à du hip-hop assez commun, cool, mais commun. Dans la réédition de 2001 on a droit à un "Here's the Proof" qui aurait gagné à être sur le disque original tant le morceau semble surnager, et assez proche de ce que fera Gang Starr avec les albums suivants.
Sur "Knowledge", y a un "je-ne-sais-quoi" reminiscent qu'on semble retrouver sur le titre "NY State of Mind" de Nas en 1994...avec DJ Premier à la prod. Coïncidence ou mes oreilles ont des visions ? Écoutez donc la basse en background. J'ai comme l'impression que l'empreinte Première est déjà là pour ce morceau de Nas. Mystère.

Enfin voilà, ce Mr. Nice est bien cool quand même.

A1 Premier & the Guru 3:22
A2 Jazz Music 3:24
A3 Gotch U 3:04
A4 Manifest 4:55
A5 Gusto 3:12
A6 DJ Premier in Deep Concentration 3:07
B1 Conscience Be Free 3:54
B2 Cause and Effect 3:15
B3 2 Steps Ahead 3:40
B4 No More Mr. Nice Guy 3:14
B5 Knowledge 3:38
B6  Positivity 3:30

Label: Wild Pitch / WPL 2001